L’IA TRANSFORMERA LE RÔLE DE L’ENSEIGNANT

Avec l’intelligence artificielle, le prof pourra améliorer ses cours, apporter de l’aide à ceux qui en ont le plus besoin, et se consacrer davantage à mettre en pratique les connaissances de ses élèves. Au-delà du maître, il devient désormais accompagnateur. Un changement de fond.

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L’intelligence artificielle (IA) permet de faciliter l’apprentissage des élèves et des étudiants : en analysant leurs données à la loupe, la machine est capable de choisir les cours et les exercices les mieux adaptés pour que chacun puisse progresser à son rythme (voir l’article “un apprentissage sur mesure grâce à l’IA“). Mais l’IA promet aussi de faciliter la vie des professeurs : en leur fournissant des informations plus détaillées et plus pertinentes sur leurs apprenants, ils pourront améliorer leur enseignement et mieux accompagner leurs élèves.

Même pour un prof expérimenté, il n’est pas toujours évident de savoir si son cours présente des lacunes qui freinent les élèves dans leur progression, ou si les supports pédagogiques qu’il leur propose sont tous vraiment utiles pour leur apprentissage. L’analyse des données pourrait permettre de pointer ces éléments, et ainsi d’améliorer la pédagogie. Certaines entreprises des technologies de l’éducation (EdTech) mettent d’ailleurs déjà cette idée en pratique : lorsqu’un grand nombre d’élèves échouent sur les mêmes questions dans un test, une alerte est envoyée à l’enseignant, qui a alors tous les éléments en main pour ajuster son cours sur les notions mal acquises par sa classe. Dans le cas des MOOC et des cours d’université en ligne, certaines plateformes proposent également de faire un retour aux enseignants et aux auteurs de ressources lorsqu’un contenu suscite peu d’intérêt de la part des étudiants, signe qu’il est temps de le modifier ou de le changer.

EXPLOITER LES DONNÉES D’APPRENTISSAGE

Si l’IA est capable d’analyser une classe ou un amphi dans sa globalité, elle peut aussi fournir un diagnostic de chaque élève en particulier. « Bien sûr, l’enseignant a déjà une idée du niveau de ses élèves, mais lorsque ces derniers travaillent sur des plateformes numériques, l’IA peut lui donner une évaluation plus précise encore en détaillant les progrès de chacun, les points sur lesquels bloquent certains ou, au contraire, sur lesquels ils ont des facilités. Autant d’informations essentielles pour l’aider à prendre les bonnes décisions », souligne François Bouchet, du Laboratoire d’informatique de Paris-6.

Aujourd’hui, les enseignants ont accès à ces données via les tableaux de bord proposés par bon nombre d’outils d’apprentissage numériques, en particulier ceux utilisés dans les écoles primaires, les collèges et les lycées. Ils peuvent ainsi connaître les forces et les faiblesses de chacun, et en fonction de ces informations, décider d’aller voir tel élève ou tel autre pour lui apporter une aide supplémentaire en dehors du logiciel éducatif. Ou encore regrouper les élèves par groupes de niveau pour les faire travailler ensemble.

À terme, c’est même la machine qui pourrait inciter de manière automatique l’enseignant à prendre de telles décisions. D’ores et déjà, les algorithmes de machine learning permettent d’identifier des élèves particulièrement en difficulté, et de recommander alors au prof d’intervenir auprès d’eux. Avec d’autres algorithmes, dits de clustering, on peut aussi segmenter la classe en groupes homogènes et conseiller de les faire travailler sur un sujet en particulier sur lequel ils butent.

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MAIS AUSSI LES DONNÉES PHYSIOLOGIQUES

Pour établir un diagnostic sur les élèves, l’IA analyse bien sûr les données d’apprentissage classiques : réponses correctes ou erronées, type d’erreurs, temps de réponse… Mais de plus en plus, pour affiner encore ce diagnostic, on utilise aussi des données physiologiques sur les apprenants eux-mêmes, qui révèlent leurs émotions ou leur niveau d’attention.

En suivant les mouvements des yeux d’un élève en train de lire avec des techniques de suivi oculaire (eye-tracking), on peut ainsi déterminer si certains passages ont été lus très lentement, posant d’apparentes difficultés de compréhension, ou au contraire survolés trop vite, signe d’une perte d’attention. Avec des méthodes de reconnaissance vocale, on peut à la fois repérer les erreurs de prononciation d’un élève en train de lire un texte et aussi estimer son niveau d’attention lorsqu’il répond à une question posée par le prof. Grâce à des caméras permettant d’examiner les expressions faciales, on peut savoir si les élèves s’ennuient, sont agacés par un exercice, surpris par la lecture d’un énoncé ou encore angoissés face au chronomètre. Avec un bracelet qui enregistre l’activité électrique à la surface de la peau, on peut déterminer leur niveau de stress.

Aujourd’hui, toutes ces techniques sont surtout utilisées dans les laboratoires de recherche. « L’idée n’est pas d’équiper les salles de classe avec tout un tas d’instruments – cela coûterait cher et serait certainement intrusif. Il s’agit plutôt de réussir à identifier certaines émotions à partir des actions d’un élève sur le système numérique », précise François Bouchet. Avec son équipe, le chercheur développe des algorithmes de machine learning qui, entraînés sur des images vidéo d’apprenants annotées selon leurs émotions lorsqu’ils travaillent sur ordinateur, seront capables à terme de reconnaître l’état émotionnel d’un élève simplement par la séquence d’actions qu’il effectue avec le logiciel.

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GARDER LA MAIN

Bien entendu, le diagnostic et les recommandations délivrés à l’enseignant sur ses élèves à partir de leurs données d’apprentissage et de ces données physiologiques doivent toujours rester informatifs et non prescriptifs. Le rôle de la donnée est de permettre à l’enseignant d’être mieux informé, et non de prendre des décisions à sa place. « L’IA est un outil puissant pour renforcer l’éclairage de l’enseignant sur ses élèves, mais il doit garder la main à tout moment sur l’évaluation de ses élèves, car lui seul les connaît dans toute leur complexité et dans leur environnement. Par exemple, un prof peut très bien décider dans certains cas de faire travailler ses élèves dans des groupes non homogènes, différents de ceux proposés par la machine, parce qu’il estime que ce sera plus bénéfique pour eux. Ou bien changer les allocations d’exercices d’un élève faites par le logiciel parce qu’il sait que celui-ci est perturbé par des soucis familiaux », insiste Thierry de Vulpillières, président d’EvidenceB kidscode, une start-up qui propose un logiciel éducatif à destination de l’école primaire, des collèges et des lycées.

De la même manière, l’enseignant doit toujours avoir son mot à dire sur la stratégie d’apprentissage mise en œuvre par les outils numériques. « Pour que ces outils soient utilisés par les profs et intégrés à leur enseignement, il faut que ces derniers puissent les adapter à leurs pratiques pédagogiques. Si les logiciels personnalisent les parcours d’apprentissage pour chaque élève uniquement à partir de la donnée, alors les enseignants risquent bien de ne pas se les approprier », avertit Nathalie Guin, présidente de l’Association des technologies de l’information pour l’éducation et la formation.

Quoi qu’il en soit, les nouveaux outils d’IA ont bel et bien fait leur entrée dans les salles de classe et les amphis. Et s’apprêtent à changer en profondeur le rôle de l’enseignant. Plus qu’un maître, celui-ci va devenir désormais un accompagnateur et un facilitateur de savoirs. Avec une connaissance plus fine sur le niveau et l’attention de ses élèves, il pourra aider au bon moment ceux qui en ont le plus besoin. Et en s’appuyant sur les logiciels pour faire travailler à leur rythme les élèves sur des compétences bien précises, il pourra se concentrer davantage sur d’autres taches, inaccessibles celles-là aux machines : créer des interactions entre les élèves, développer leur créativité, mettre en pratique leurs connaissances à travers des expériences… Qui a dit que l’homme et l’IA ne pouvaient pas faire bon ménage ?

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source : https://dataanalyticspost.com/?p=14518
JULIEN BOURDET